Montmartre de Martine FOLQUIN

Montmartre

Outre le folklore, naître à Montmartre présente deux avantages : on y acquiert des mollets d’acier et un pied digne d’une chèvre des montagnes. Presque toutes les rues sont en pente et agrémentées d’escaliers aussi bruts qu’abrupts. Et encore, après un mois de mai exceptionnellement chaud, le bitume a presque partout remplacé les antiques pavés, torture quotidienne des chevilles fragiles. On croise des volées de marches à tous les coins de rue, « les escaliers de la Butte sont durs aux miséreux » disait la chanson. On ne voit plus beaucoup de miséreux mais les escaliers sont toujours là : rue Tholozé, rue Lepic-qui-monte, rue Durantin, Place Constantin Péqueur, devant le Sacré-Coeur, derrière le Sacré-Coeur, sur les côtés du Sacré-Coeur…. De quoi y perdre son dernier souffle !

Oui mais il y a la récompense : la vue sur les toits de Paris qui vous cueille sans prévenir passé la place du Tertre et l’Eglise St Pierre. Personne n’y est indifférent, Parigot ou Japonais, Ardéchois ou Serbo-croate. Pour peu que vous arriviez à l’instant magique, au coucher du soleil, l’émotion forte est au rendez-vous. Un éblouissement de couleurs, un scintillement rose et argent à nul autre pareil. Paris au creux de la main, Paris qui tend les bras, séducteur et offert. La Tour Eiffel palpite, le dôme des Invalides règne en maître, la Seine se devine et se dérobe et Paris respire par tous les pores de ses toits. Personne ne résiste à pareil sortilège, il entre dans les veines et répand un poison bienfaisant que la nuit même ne peut dissoudre. Paris est en soi, pour toujours.

Martine Folquin